David le navigateur septuagénaire et Mickey son fidèle compagnon de voyage
Le vieil homme et la mer : une histoire de courage, un combat contre les préjugés...
Alors que le monde entier a les yeux braqués sur l'Australie, devenu, l'espace d'une quinzaine (du 15 septembre au 1er octobre), la capitale mondiale du sport avec les Jeux Olympiques de Sydney, David Clark quitte, lui, le grand continent pour continuer son périple incognito. Les médias, affairés ailleurs, ne se soucient même pas de lui. Et, pourtant, lui aussi est en chemin pour réaliser un record du monde plutôt inédit...
L'Australie quittée et après trente jours en mer, David Clark est arrivé, la semaine dernière, à Maurice, où il a mouillé sur le ponton du Caudan Waterfront, histoire de se réapprovisionner et se ressourcer, avant d'attaquer la dernière partie de l'océan Indien.
Il est arrivé le dimanche 15 octobre et a repris la mer le dimanche suivant. Au moment où vous lirez ce texte, il se trouvera probablement quelque part entre Maurice et Durban, avec pour seul compagnon son chien Mickey. Et sa clarinette.
La nature est imprévisible et notre navigateur vétéran n'est pas à l'abri de ses caprices. Il ne peut être certain de la réussite. Selon sa feuille de route, il lui reste environ un quart du chemin à parcourir et environ une dizaine de ports à visiter, avant de pouvoir s'enorgueillir d'un record du monde. Il devrait, si tout se passe bien, arriver aux Bahamas dans la nuit du 1er mai 2001. Il reprendra la mer le 16 mai, à minuit, et devrait arriver vers 10h 30, à Fort Laudadelle. Pour l'instant, en dépit des difficultés, tout se passe à merveille pour lui et il est dans les temps de son calendrier.
Aussi flegmatique que Phileas Fogg, David Clark est, en ses propres termes, un «Maverick», c'est-à-dire un individualiste qui fait les choses à sa manière. C'est devant le flambant neuf Marina Building du Caudan servant, désormais, de pointd'arrêt aux marins passant par Maurice et par le Waterfront que Philippe d'Arifat, centre manager de ce nouveau complexe, a fait la connaissance de David Clark en se promenant dans les allées. Emerveillé par l'histoire de l'aventurier, il lui propose son aide, notamment l'accès aux facilités du Marina qui comprend salles-de-bains et buanderies. «Ce sont des gens comme Philippe que l'on rencontre dans tous les ports qui rendent possible ce genre de voyage», témoigne le navigateur Clark qui nous fait penser inévitablement à un autre personnage célèbre, le vieil homme de Hemingway.
A Maurice, où il s'est arrêté pour réparer un mât cassé, il a aussi rencontré Rob Stevenson, directeur de MU Sailmakers Ltd, qui lui a proposé gratuitement son aide pour fixer la voile du bateau. Ce qui lui a permis d'économiser une centaine de dollars. Il lui est d'autant plus reconnaissant qu'il n'a comme guarantie financière que son allocation de la sécurité sociale.
Suivre ses rêves...
David Clark est le premier à avouer que son periple autour du monde est extrêmement difficile et dangereux, surtout pour quelqu'un de son âge. La mer, c'est un monde de deux extrêmes. On peut avoir, à un moment, un calme plat, un temps parfait et, dans le moment qui suit, on doit lutter contre des rafales de plus de 170 km heure avec une mer houleuse. De plus, voyager seul représente de nombreux désavantages. Puisqu'il n'a pas d'équipage, il y a toujours le danger de s'échouer ou de rentrer en collision avec un plus gros bateau.
Ce voyage, David Clark ne le fait pas seulement pour briguer une place dans le livre des records. «Je ne suis pas comme celui qui a escaladé pour la première fois le Mont Everest et quand on lui a demandé pourquoi il l'a fait, il a simplement répondu.' "Because it's there!" Moi, j'ai mes raisons pour le faire. It's not just some old guy sailing around the world.» La première de ses raisons est que cela donne l'occasion à David Clark de passer un message aux personnes âgées que la société moderne considère comme des incapables. «We are not dead yet.» Le père de KFC, par exemple, est devenu célèbre à l'âge de 80 ans, s'amuse-t-il à dire. Il est convaincu que les vieux ont leur place dans la société.
L'histoire de David Clark, qui commence il y à peu près 60 ans de cela, est pour le moins intéressante. Dans les années 40, il est moniteur de ski et fait partie de l'armée au sein d'une organisation nommée The US Mountain Troops. Quand il quitte l'armée, en 1945, la plupart de ses amis restent dans l'industrie du ski à Aspen. Il fait pareil. Il raconte : "Un jour, alors que je suis bloqué dans un téléphérique avec ma femme, je réalise que j'ai passé toute ma vie dans les montagnes et que j'en avais marre du mauvais temps. Je dis à ma femme: Je vais aller en Floride. Elle répond: Tu ne vas jamais faire ça!" Elle n'aurait jamais dû dire ça, car des gens comme moi, personne ne leur dit ce qu'il faut faire. J'ai décidé que je le ferai. Voilà comment j'ai atterri en Floride, qui est très différent de ce j'avais connu jusqu'ici. Il n'y a pas de neige en Floride. J'ai commencé à voir des bateaux et je m'y suis intéressé. Avant, je jouais de la clarinette dans les hôtels et restaurants, la plupart des airs des années 40, accompagnant des morceaux de Frank Sinatra, entre autres.
Sauvé in extremis de la mort par un bateau transportant du bétail
Pourtant, ayant toujours la fibre sportive et très vite fasciné par les bateaux, David Clark s'achète un voilier à crédit, prenant dix ans pour honorer son paiement. C'est en se demandant quelle sera la chose laplus extraordinaire qu'il pourra accomplir avec ce bateau, pour justifier en quelque sorte la dépense qu'il avait faite, qu'est venue l'idée de faire un tour du monde. David termine son premier tour du monde à 66 ans, en 1990, ayant commencé en 1987. Il y prend goût et décide de récidiver trois ans plus tard, mais pas uniquement par plaisir, cette fois. Il a en ligne de mire le record du plus vieux navigateur du tour du monde. Il échoue à cette première tentative. A 1 500 miles à l'est de Maurice, pris dans le mauvais temps, son mât se casse et son bateau prend l'eau. Il lance un S.O.S sur sa radio VHF et son message est capté par un bateau à bétail qui se trouvait fort heureusement à 19 miles de lui. Il est récupéré et il passe le reste du trajet en compagnie de 40 000 moutons. Son bateau et son record du monde sont... à l'eau! Il a bien failli, lui aussi, boire la tasse.
Cependant, nullement découragé, David Clark se met, dès son arrivée en Floride, à la recherche d'un autre bateau. Grâce au soutien de plusieurs sponsors, il arrive à se dégotter un nouveau bateau en 1998. Il le surnomme Mollie Milar en hommage à sa défunte grand-mère. C'est un Charles Whitholz de 42 pieds qui convient tout à fait à ce genre de voyage, même s'il peut s'avérer parfois inconfortable. Plusieurs compagnies sponsorisent Mollie Milar, mieux équipé que le premier bateau.
Le 4 décembre 1999, David s'embarque avec son chien Mickey et sa clarinette pour une autre aventure avec, en poche, sa carte de crédit et quelques provisions. De ces deux précédents voyages, il a tiré des leçons. Confiant, David Clark avance que, cette fois, le record du monde ne pourra pas lui échapper. Le 17 mai 2001, date de son 77e anniversaire, dit-il avec conviction, il deviendra le plus vieil homme à faire le tour du monde en solitaire. Lorsque s'achèvera son périple, David Clark compte rester à terre pour écrire son autobiographie et faire fructifier son record du monde. «Avant, je n'étais qu'un vieux fou qui faisait le tour du monde, mais, avec ce diplôme en quelque sorte en main, on me prendra plus au sérieux et cela va m'ouvrir plus de portes. Je pourrais market my world record.»
Une magnifique leçon de courage et de volonté que nous donne ce septuagénaire, qui fait tout pour réaliser son rêve, sans se soucier des gens et de leurs préjugés? On ne peut que lui souhaiter bonne chance dans la réalisation de son pari.
TARIQ JOWAHIR
L'Australie quittée et après trente jours en mer, David Clark est arrivé, la semaine dernière, à Maurice, où il a mouillé sur le ponton du Caudan Waterfront, histoire de se réapprovisionner et se ressourcer, avant d'attaquer la dernière partie de l'océan Indien.
Il est arrivé le dimanche 15 octobre et a repris la mer le dimanche suivant. Au moment où vous lirez ce texte, il se trouvera probablement quelque part entre Maurice et Durban, avec pour seul compagnon son chien Mickey. Et sa clarinette.
La nature est imprévisible et notre navigateur vétéran n'est pas à l'abri de ses caprices. Il ne peut être certain de la réussite. Selon sa feuille de route, il lui reste environ un quart du chemin à parcourir et environ une dizaine de ports à visiter, avant de pouvoir s'enorgueillir d'un record du monde. Il devrait, si tout se passe bien, arriver aux Bahamas dans la nuit du 1er mai 2001. Il reprendra la mer le 16 mai, à minuit, et devrait arriver vers 10h 30, à Fort Laudadelle. Pour l'instant, en dépit des difficultés, tout se passe à merveille pour lui et il est dans les temps de son calendrier.
Aussi flegmatique que Phileas Fogg, David Clark est, en ses propres termes, un «Maverick», c'est-à-dire un individualiste qui fait les choses à sa manière. C'est devant le flambant neuf Marina Building du Caudan servant, désormais, de pointd'arrêt aux marins passant par Maurice et par le Waterfront que Philippe d'Arifat, centre manager de ce nouveau complexe, a fait la connaissance de David Clark en se promenant dans les allées. Emerveillé par l'histoire de l'aventurier, il lui propose son aide, notamment l'accès aux facilités du Marina qui comprend salles-de-bains et buanderies. «Ce sont des gens comme Philippe que l'on rencontre dans tous les ports qui rendent possible ce genre de voyage», témoigne le navigateur Clark qui nous fait penser inévitablement à un autre personnage célèbre, le vieil homme de Hemingway.
A Maurice, où il s'est arrêté pour réparer un mât cassé, il a aussi rencontré Rob Stevenson, directeur de MU Sailmakers Ltd, qui lui a proposé gratuitement son aide pour fixer la voile du bateau. Ce qui lui a permis d'économiser une centaine de dollars. Il lui est d'autant plus reconnaissant qu'il n'a comme guarantie financière que son allocation de la sécurité sociale.
Suivre ses rêves...
David Clark est le premier à avouer que son periple autour du monde est extrêmement difficile et dangereux, surtout pour quelqu'un de son âge. La mer, c'est un monde de deux extrêmes. On peut avoir, à un moment, un calme plat, un temps parfait et, dans le moment qui suit, on doit lutter contre des rafales de plus de 170 km heure avec une mer houleuse. De plus, voyager seul représente de nombreux désavantages. Puisqu'il n'a pas d'équipage, il y a toujours le danger de s'échouer ou de rentrer en collision avec un plus gros bateau.
Ce voyage, David Clark ne le fait pas seulement pour briguer une place dans le livre des records. «Je ne suis pas comme celui qui a escaladé pour la première fois le Mont Everest et quand on lui a demandé pourquoi il l'a fait, il a simplement répondu.' "Because it's there!" Moi, j'ai mes raisons pour le faire. It's not just some old guy sailing around the world.» La première de ses raisons est que cela donne l'occasion à David Clark de passer un message aux personnes âgées que la société moderne considère comme des incapables. «We are not dead yet.» Le père de KFC, par exemple, est devenu célèbre à l'âge de 80 ans, s'amuse-t-il à dire. Il est convaincu que les vieux ont leur place dans la société.
L'histoire de David Clark, qui commence il y à peu près 60 ans de cela, est pour le moins intéressante. Dans les années 40, il est moniteur de ski et fait partie de l'armée au sein d'une organisation nommée The US Mountain Troops. Quand il quitte l'armée, en 1945, la plupart de ses amis restent dans l'industrie du ski à Aspen. Il fait pareil. Il raconte : "Un jour, alors que je suis bloqué dans un téléphérique avec ma femme, je réalise que j'ai passé toute ma vie dans les montagnes et que j'en avais marre du mauvais temps. Je dis à ma femme: Je vais aller en Floride. Elle répond: Tu ne vas jamais faire ça!" Elle n'aurait jamais dû dire ça, car des gens comme moi, personne ne leur dit ce qu'il faut faire. J'ai décidé que je le ferai. Voilà comment j'ai atterri en Floride, qui est très différent de ce j'avais connu jusqu'ici. Il n'y a pas de neige en Floride. J'ai commencé à voir des bateaux et je m'y suis intéressé. Avant, je jouais de la clarinette dans les hôtels et restaurants, la plupart des airs des années 40, accompagnant des morceaux de Frank Sinatra, entre autres.
Sauvé in extremis de la mort par un bateau transportant du bétail
Pourtant, ayant toujours la fibre sportive et très vite fasciné par les bateaux, David Clark s'achète un voilier à crédit, prenant dix ans pour honorer son paiement. C'est en se demandant quelle sera la chose laplus extraordinaire qu'il pourra accomplir avec ce bateau, pour justifier en quelque sorte la dépense qu'il avait faite, qu'est venue l'idée de faire un tour du monde. David termine son premier tour du monde à 66 ans, en 1990, ayant commencé en 1987. Il y prend goût et décide de récidiver trois ans plus tard, mais pas uniquement par plaisir, cette fois. Il a en ligne de mire le record du plus vieux navigateur du tour du monde. Il échoue à cette première tentative. A 1 500 miles à l'est de Maurice, pris dans le mauvais temps, son mât se casse et son bateau prend l'eau. Il lance un S.O.S sur sa radio VHF et son message est capté par un bateau à bétail qui se trouvait fort heureusement à 19 miles de lui. Il est récupéré et il passe le reste du trajet en compagnie de 40 000 moutons. Son bateau et son record du monde sont... à l'eau! Il a bien failli, lui aussi, boire la tasse.
Cependant, nullement découragé, David Clark se met, dès son arrivée en Floride, à la recherche d'un autre bateau. Grâce au soutien de plusieurs sponsors, il arrive à se dégotter un nouveau bateau en 1998. Il le surnomme Mollie Milar en hommage à sa défunte grand-mère. C'est un Charles Whitholz de 42 pieds qui convient tout à fait à ce genre de voyage, même s'il peut s'avérer parfois inconfortable. Plusieurs compagnies sponsorisent Mollie Milar, mieux équipé que le premier bateau.
Le 4 décembre 1999, David s'embarque avec son chien Mickey et sa clarinette pour une autre aventure avec, en poche, sa carte de crédit et quelques provisions. De ces deux précédents voyages, il a tiré des leçons. Confiant, David Clark avance que, cette fois, le record du monde ne pourra pas lui échapper. Le 17 mai 2001, date de son 77e anniversaire, dit-il avec conviction, il deviendra le plus vieil homme à faire le tour du monde en solitaire. Lorsque s'achèvera son périple, David Clark compte rester à terre pour écrire son autobiographie et faire fructifier son record du monde. «Avant, je n'étais qu'un vieux fou qui faisait le tour du monde, mais, avec ce diplôme en quelque sorte en main, on me prendra plus au sérieux et cela va m'ouvrir plus de portes. Je pourrais market my world record.»
Une magnifique leçon de courage et de volonté que nous donne ce septuagénaire, qui fait tout pour réaliser son rêve, sans se soucier des gens et de leurs préjugés? On ne peut que lui souhaiter bonne chance dans la réalisation de son pari.
TARIQ JOWAHIR